Le 20 Novembre dernier, je me suis rendue à Paris pour assister au rituel chamanique Nord-Européen de Heilung, mon ovni musical préféré.
L’épopée pour mériter le spectacle
Mercredi, 12h: Je prépare mon sac, ma tenue de combat du froid et m’arme de patience dans le métro lillois qui me conduit à la gare Lille-Europe. J’en profite pour m’acheter La Terre des Morts de Grangé en poche au Relay. Un thriller sur fond de meurtres de stripteaseuses, de bondage, d’ancien taulard reconverti en peintre de génie. De quoi se mettre au diapason d’un temps au vent glacial. Le train file à toute vitesse comme mes yeux sur chaque page.
14h: J’arrive à Paris. Le plus dur commence. Moi qui ai associé Paris à des souvenirs pénibles et douloureux, il faut vraiment qu’un grand désir m’anime pour que je m’y rende et seule, de surcroît. Ce qui aurait dû me prendre 10 minutes pour arriver dans mon Airbnb m’en prend 45! Douée, je suis.
14h: J’arrive dans ma petite chambre que je vais partager avec un italien et un allemand. J’en ai profité pour repérer la salle de concert, y’a déjà du sit-in devant. Qu’importe. Je pars m’acheter des sandwich au carrefour et me fait alpaguer 3/4 fois quant à ma prétendue bonnassitude…ah les grandes villes…
16h: l’heure du 15ème goûter hobbit. Lecture avide du thriller.
17h: Je me mets en route pour la salle sous ma veste en cuir (Bah quoi? On va à un concert de métal ou non? Comment ça, c’est cliché à mort?) et prête à me peler les ovaires. La file est déjà longue et fait un coin de rue où les gens qui attendent ont laissé un espace pour l’entrée d’une boulanegerie. Mon inattention m’aura sauvé quelques places: je me mets dans la première partie de la file, à quelques mètres de l’entrée. Personne ne me fait de remarque 😀 Je reprends goûlument la lecture de mon thriller truculent, entrecoupé par les distributions de flyers pour divers festoches. Je zieute qu’on ne lise pas par dessus mon épaule quand Corso le flic déboule dans la case d’un maître du SM et du gonzo! Han!
18h30: L’ouverture des portes provoque un soupir de soulagement et la promesse d’un endroit plus chaud. J’arrive dans la très belle salle de l’Elysée Montmartre et miracle: je trouve une place au premier rang, appuyée contre les barrières de sécurité, un peu vers la gauche. PAR-FAIT! Je confie ma place à de parfaits inconnus pour aller faire un tour au merch et m’y accaparer un sweat et le deuxième CD du groupe. Des stickers sont donnés gratuitement.
L’attente se fait longue.
Le concert
décompte des heures impossible: Soudain, une petite nénette à cornes de cerf suivie de son druide encapuchonné arrivent sur scène: Mira Ceti. Je ne connais pas, et une agréable surprise est au rendez-vous! Sous des nappes électroniques modernes, la voix limpide et forte de la chanteuse se détache. Un somptueux mélange de chants chamaniques de tous horizons, des effets de superposition de voix avec son loop et du chant parfois diphonique. Simple, efficace, magique.

Le public est déjà chaud et les techniciens apprêtent la scène pour le show tant attendu de Heilung. Quand, au bout de quelques minutes, la scène déserte laisse apparaître de nouveau un technicien peinturluré de noir sur le visage, des cris retentissent. Oui, on a vraiment tous hâte.
Enfin, ils arrivent. Le premier chaman encense la scène avec son petit plumeau et solemnellement, Christopher Juul, Kai Uwe Faust et Maria Franz le rejoignent, suivis de leurs deux prêtresses et du reste des musiciens. Tous forment un cercle et se livrent à l’ouverture du rituel.
Remember that we all are brothers
All people, beasts, tree and stone and wind
We all descend from the one great being
That was always there
Before people lived and named it
Before the first seed sprouted
Et c’est ensuite parti pour la grande transe chamanique et le voyage au fond de l’époque Viking. Le groupe arbore de somptueux costumes fait en cornes, plumes et des instruments étonnants dont des tambours, des os, des boucliers, des lances. Ils chantent en proto-norse (ou proto-germanique), parfois en anglais. Le proto-norse était la langue parlée par les peuples germaniques du nord de l’Europe entre l’an 0 et 500.
Leur style de musique porte un nom créé spécialement, « Amplified History ». “We’re not trying to replicate the past, but trying to create a feeling from ancient times”, décrit la chanteuse Maria Franz.

Le groupe aura opté pour un choix chronologique de leurs morceaux. On commence donc avec 4 morceaux de leur premier album Ofnir (In Maidjan, Alfadhirhaiti, Krigsgaldr, Hakkerskaldyr) suivis de 5 morceaux du deuxième, Futha (Norupo, Othan, Traust, Galgaldr, Hamrer Hippyer). Tout s’enchaîne et se balance parfaitement entre chants guerriers survoltés et agressifs, et notes éthérés et mystiques.
Au bout d’une heure de rituel, la transe s’achève en beauté avec « Hamrer Hippyer », alors que les guerriers hommes et femmes se désarticulent sur scène et vont jusqu’à se fondre dans le public, sous l’œil paniqué du vigile.
Fin de l’apothéose, fin du trip spectaculaire. Le chaman encense de nouveau la scène, la boucle est bouclée, offrant au passage une petite plume à la petite fille de 5 ans au premier rang avec ses parents. Brutaux, illuminés mais avec un cœur humain en résonance avec ceux des autres, comme chacun d’entre nous présents ce soir-là.
22h30, quelquechose comme ça: Je repars dans mon logement pour la nuit, encore sous le délicieux choc de ce que je viens de voir. « Heilung » signifie « guérison » en allemand. M’ont-ils guérie de quoique ce soit? Sûrement d’un mal qui tait son nom, d’une indifférence pour la plupart de événements qui m’arrivent. Je ressors énergisée, et je me sens bien vivante.
sources:
Photos – Mira Ceti: pozzo-live.com
Photos – Heilung: wegow.com
Citation – Heilung: loudersound.com/
Et vous, quel était votre dernier concert? : )
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